Décryptage des enjeux. Entretien avec Laurent Delcourt (CETRI) réalisé par le Front antifasciste de Liège le premier octobre 2022
[FAL] : Les élections au Brésil se déroulent ce dimanche 2/10 où nous espérons tou.te.s un défaite cinglante pour Bolsonaro. Avant de rentrer dans le vif du sujet, pourrais-tu nous dire quelques mots sur toi et ton travail ?
Je suis chargé d’étude au Centre tricontinental (CETRI), à Louvain-la-Neuve, une ONG et centre de recherche qui se dédie aux rapports Nord-Sud, aux grandes problématiques liées à la mondialisation et aux luttes populaires, sociales et démocratiques en Amérique latine, Afrique et Asie. Dans ce cadre, je travaille principalement sur la problématique de l’agriculture, sur l’Amérique latine en général et sur le Brésil plus spécifiquement. Mes premiers contacts avec ce pays datent de la deuxième moitié des années 90 lorsque, étudiant, j’ai eu l’opportunité de me rendre sur place à plusieurs reprises. Là, je me suis familiarisé, entre autres, aux questions liées à la terre et à la lutte des paysans sans terre. Plus tard, en tant que chercheur au Centre Tricontinental, j’ai poursuivi dans cette voie. J’ai notamment coordonné la publication d’un numéro d’Alternatives Sud (collection du Centre tricontinental) sur le Brésil de Lula en 2010 et dix ans plus tard, en 2020, sur le Brésil de Bolsonaro, qui donne une lecture forcément bien plus sombre des dynamiques politiques de ce pays.
[FAL] : Avant de parler de la situation contemporaine, j’aimerai revenir un instant sur des aspects plus historiques du Brésil. De manière peut-être confuse, on a souvent une impression que l’histoire de l’Amérique latine – et celle du Brésil ? – alterne en des périodes marquées à droite puis à gauche. Peux-tu brièvement nous expliquer l’histoire politique et sociale du Brésil, et plus particulièrement les grandes étapes/échelons de l’extrême-droite brésilienne et celles de l’antifascisme au Brésil ?
C’est assez compliqué de résumer en quelques mots cette histoire qui embrasse tout le 20e siècle et cette première partie du 21e siècle. Le fascisme a des racines profondes au Brésil où il s’est greffé sur un système de valeurs à la fois très autoritaire et très hiérarchique. Le Brésil, il faut le rappeler, a été l’un des derniers pays à avoir aboli l’esclavage, en 1888. Entre 3 et 5 millions d’esclaves ont été importés durant la période coloniale et après l’indépendance. Bien entendu, cela a laissé des traces.
Le premier mouvement fasciste au Brésil naît à la fin des années 1920 et prend son essor entre 1932 et 1937. Il est donc tout à fait contemporain à la montée du fascisme mussolinien et du nazisme en Allemagne. Ce mouvement, c’est l’« Action intrégraliste brésilienne » (AIB) qui s’inspirera essentiellement du fascisme mussolinien. Fortement ancré dans le sud du pays où l’on trouve une population essentiellement blanche, qui descend en grande partie de migrants d’origine italienne ou allemande, le mouvement comptera à son apogée des dizaines de milliers de membres. On voit ainsi qu’il s’est construit sur une base, on va dire, socioethnique. Après une tentative ratée de soulèvement, et son interdiction, le mouvement se délite à la fin des années 1930. Mais une partie de ses éléments sera absorbée par le régime en place. L’« Estado Novo » de Gétulio Vargas intègre en effet à la fois des traits fascistes et des traits progressistes. Régime hybride, l’Estado Novo n’en est pas moins à l’origine d’importantes avancées sociales. À noter que pendant la Seconde Guerre mondiale, les éléments fascistes sont expurgés, Vargas se rangeant du côté des alliés. Après la guerre, sous son impulsion, l’on assistera aussi à une certaine ouverture démocratique.
Si le mouvement intégraliste, en tant que tel, disparaît à la fin des années 1930 (il renaîtra ensuite sous la forme d’une diversité de petits groupuscules), d’autres courants, qu’on pourrait qualifier de fascistoïdes, liés notamment à l’oligarchie blanche, à l’armée et aux grands propriétaires terriens prennent le relais dans les années 1950. Au début des années 1960, ceux-ci finissent par converger dans un vaste mouvement d’opposition aux réformes progressistes d’un successeur de Vargas, João Goulart : « les Marches de la Famille avec Dieu pour la Liberté ». Ces marches ont été le prélude du coup d’État militaire de 1964 qui installera dans le pays un régime autoritaire, militaro-fasciste, violemment anticommuniste, pendant 22 ans. Comparaison n’est pas raison, mais on peut quand même faire un rapprochement entre le profil social des personnes qui ont participé à ces Marches et l’électorat bolsonariste aujourd’hui, issu en grande partie des classes moyennes et supérieures blanches du Sud, du Sud-Est et du Sud-Ouest du pays.
S’y associent aussi de puissants groupes de pression, à l’exemple des représentants politiques des grands propriétaires terriens : les ruralistes. Dans les années 1980, l’Union démocratique ruraliste qui a commandité nombre d’assassinats de paysans sans terre et de défenseurs de la cause indigène s’apparentait aussi à une authentique milice fasciste. À noter que ces grands propriétaires terriens comptent encore parmi les plus ardents défenseurs du bolsonarisme.
Au cours des années 1980 et 1990, une personnalité haute en couleur, le docteur Enéas Carneiro cherche par ailleurs à incarner et fédérer les différents courants fascistes. Mais il ne perce pas.
Un courant antifasciste apparaît aussi dans les années 1920-1930. Il est mené par de jeunes officiers issus de milieux modestes. Ces « jeunes lieutenants » s’opposent à l’élite conservatrice, et se mobilisent pour réclamer davantage de progrès social et de démocratie. L’un d’entre eux, Luís Carlos Prestes, fondera le premier Parti communiste du Brésil et tentera, sans succès, de mobiliser les masses contre le gouvernement oligarchique en organisant une grande marche qui traversera une partie du pays (c’est la colonne Prestes). Finalement, le Parti est lui aussi interdit sous Vargas. Dans les années 1950, il est à nouveau autorisé. Certains de ses membres joueront alors un rôle important dans la structuration du premier mouvement paysan brésilien : les ligues paysannes.
Enfin, au début des années 80, il faut pointer le rôle du vaste mouvement pro-démocratique contre la dictature militaire. Sa principale figure de proue était Lula, charismatique leader d’un syndicat de métallurgistes de São Paulo. Fondateur de la CUT (Central unitaire du travail) et du PT (Parti des travailleurs), il symbolisera l’opposition à la dictature militaire et le combat pour plus de démocratie et de justice sociale. Sous sa présidence (2003-2011), on assistera à d’importantes avancées en matière de lutte contre la pauvreté et les inégalités, et de consolidation des droits aux bénéfices de l’ensemble des travailleurs et des minorités.
En fait, l’ascension puis la victoire de Bolsonaro peuvent être lues comme une tentative d’inverser le cours des choses, de remettre en question toutes les conquêtes sociales et démocratiques réalisées par le Brésil depuis la fin de la dictature militaire. Et, en particulier, celles du lulisme. Aujourd’hui, il y a des liens très forts entre la mouvance antifasciste brésilienne, les syndicats et les nombreux mouvements qui défendent les droits des minorités, des populations LGBT, des indigènes, des Afro-brésilien.nes. Le Front populaire brésilien [NDLR : l’ensemble des mouvements sociaux au Brésil qui luttent pour la justice sociale, pour le retour de politiques publiques fortes et l’avancée des droits] intègre toutes ces luttes.
[FAL] Si peu de personnes s’intéressent généralement à la politique d’Amérique Latine, les élections de 2018 ont fait office d’électrochoc avec l’arrivée de Bolsonaro et ce qu’il incarnait. Maud Chiro, spécialiste de l’histoire du Brésil, a même écrit suite à son élection « Nous avons assisté en direct à la fascisation du Brésil ». Pourrais-tu nous brosser un portrait de Bolsonaro et quelques éléments qui viennent expliquer ce jugement de Maud Chiro ?
Pour ma part, je pense que la fascisation du Brésil a commencé en 2013, bien avant l’ascension politique de Bolsonaro. En 2013, le Brésil est le théâtre de vastes mobilisations. Initiées par des mouvements progressistes (libertaires surtout), les protestataires réclamaient la gratuité des transports en commun, de meilleurs services publics et dénonçaient surtout les énormes dépenses liées à l’organisation de la Coupe du Monde de football (2014), alors que le Brésil commençait précisément à s’enfoncer dans la pire crise de son histoire. Il n’en est toujours pas sorti !
À cette occasion, on assiste aussi à l’émergence de ce que j’ai appelé une nouvelle droite militante. Une droite capable désormais de mobiliser massivement la rue. Lorsqu’on analyse plus en profondeur les manifestations de 2013, qui se prolongeront l’année suivante, on remarque que progressivement la nature des revendications change à mesure que les mobilisations s’amplifient, qu’elles se massifient. Les slogans progressistes disparaissent. Et font place à des revendications clairement marquées à droite sinon à l’extrême droite : dénonciation des droits sociaux accordés (par Dilma Rousseff) au personnel de maison et des politiques de transfert de revenu au bénéfice des plus pauvres, appel au retour des valeurs de la famille et de la religion, etc. Les affects deviennent de plus en plus hostiles au gouvernement de gauche de Dilma Roussef (qui avait succédé à Lula). Et certains groupes appellent déjà à l’époque à un coup d’État militaire. Des militants de gauches sont également expulsés des mobilisations, menacés et même battus. Bref, il était évident que ces mobilisations avaient été infiltrées par des groupuscules de droite et d’extrême droite qui, petit à petit, vont donner le « la » à ces mobilisations et tireront profit d’une incroyable caisse de résonnance.
Des centaines de milliers de personnes descendront dans les rues des grandes villes brésiliennes à leur appel. La vareuse de l’équipe de football du Brésil deviendra le signe d’identification des protestataires (comme elle l’est aujourd’hui pour les militants bolsonaristes) et leur unique objectif sera la destitution de la présidente légitiment élue. Finalement, avec le soutien de ces « militants de droites », cette destitution va être actée en 2016. On parle alors d’un véritable coup d’État parlementaire soutenu par la rue. Ici encore, lorsque l’on regarde le profil des manifestants, blancs et souvent bien nés, on ne peut s’empêcher de penser aux « Marches de la Famille avec Dieu pour la Liberté » du début des années 1960. On trouvait aussi beaucoup d’évangéliques mobilisés aux côtés de libertariens et groupes cryptofascistes jusque-là inconnus. C’est comme s’il y avait un retour de l’histoire.
En fait, ces mobilisations ont servi de matrice à la construction et au réseautage de forces disparates. Celles-ci se sont aussi massivement mobilisées au travers des réseaux sociaux (Telegramme, Whatsapp, Facebook, etc.). Bolsonaro a tiré parti de ce contexte d’opportunité politique. Ses discours autoritaires, agressif et haineux, lui ont valu le soutien de ces groupes qui lui préexistaient et d’une bonne partie d’un électorat accablé par la crise, la corruption et l’insécurité croissante. Ainsi que celui de trois puissants groupes de pression qu’on désigne sous l’acronyme « BBB » pour le Bœuf, à savoir le lobby parlementaire des grands propriétaires terriens, celui de la Balle, les représentants des policiers, des services de sécurité et l’armée, et enfin celui de la Bible, les évangéliques qui constituent 30% de la population brésilienne. Les milieux économiques aussi ont fini par se rallier à sa candidature. C’est cette convergence qui a permis à Bolsonaro de l’emporter. En ce sens, on peut dire que Bolsonaro est plus la créature que le créateur de ce nouveau fascisme.
Quelques mois avant son élection, il était encore considéré comme un marginal, un clown. Ses diatribes agressives, sa misogynie crasse et ses propos haineux étaient moqués. Et son audience était principalement constituée du personnel de sécurité. Rappelons ici que Bolsonaro est un militaire. Dans l’armée, il avait notamment fait campagne pour l’augmentation des soldes. Il a ensuite participé à une obscure tentative d’attentat la bombe dans une caserne, avant de se voir exclu de l’armée. C’est alors qu’il rentre au parlement. Il y restera une trentaine d’années en tant que représentant officieux de l’extrême droite militaire brésilienne. Lui-même a toujours été un nostalgique de la dictature militaire. En fait, dans sa jeunesse durant la dictature, il voit de ses propres yeux la répression d’un mouvement de guérilla et cela l’inspire dès l’adolescence à se lancer dans une carrière militaire.
[FAL] : La violence de l’extrême-droite a été, il semblerait, très présente durant cette période. Peux-tu nous faire un retour sur celle-ci et, de manière plus générale, les moments marquants du régime de Bolsonaro et ceux de la lutte antifasciste pendant cette période ?
D’abord, brossons un rapide topo du contexte sécuritaire. La société brésilienne est une société extrêmement violente. En 2018, à la veille des élections présidentielles qui vont le porter au pouvoir, on enregistrait quelque 60.000 homicides dans le pays. Clairement ce climat d’insécurité va profiter à Bolsonaro. Il en fera d’ailleurs l’une de ses priorités.
Mais, par ses discours et ses actions, il va distiller davantage de violence et de haine dans la société brésilienne. On le voit durant ces élections : récemment deux militants PTistes (du PT) ont été tués par des militants bolsonaristes. Cette violence politique que l’on rencontrait surtout – et de manière très localisée – lors des élections municipales s’est généralisée, et touche désormais les élections nationales. Il en va de même pour les violences policières. Sous Bolsonaro, on a enregistré une forte augmentation des bavures policières et des crimes commis par le personnel des services de sécurité. Une violence entretenue par ses discours. Méprisant la notion de droit humain, il ne cesse de répéter qu’« un bon bandit est un bandit mort » .
Le candidat choisi par Bolsonaro comme potentiel vice-président, un général, s’est par ailleurs distingué en la matière lorsqu’il a été nommé à la tête d’une opération militaire de lutte contre le crime organisé à Rio pendant laquelle les bavures policières se sont multipliées. De nombreuses personnes ont été tuées, y compris des innocents. Les victimes étaient presque toujours de jeunes noirs pauvres.
Sous Bolsonaro, on a assisté également à une augmentation des crimes contre les défenseurs des droits humains, des minorités et des indigènes. Cette période se caractérise aussi par l’instauration d’un véritable climat d’impunité qui profite à de nombreux groupes qui soutiennent le président d’extrême droite : propriétaires terriens, mineurs et forestiers illégaux, etc. Récemment, un grand anthropologue brésilien, défenseur des communautés indigènes et le journaliste anglais qui l’accompagnait ont été assassinés en pleine Amazonie. Bolsonaro a encouragé ces actes, non seulement par ses discours, haineux, mais aussi par son travail de sape des mécanismes de protection de l’environnement et des minorités.
Les cultes afro-brésiliens ont aussi fait les frais de ce climat de haine, instillé par le bolsonarisme. Dans les grandes villes, de nombreux lieux de cultes ont été attaqués par des groupes évangéliques pro-Bolsonaro, qui les considèrent comme diaboliques. Enfin, il ne faut pas omettre la hausse des attaques contre les minorités, des féminicides et des crimes commis dans le cadre domestique. En cause, en partie, la libéralisation des armes à feu promue par Bolsonaro. Leur possession avait été sérieusement réglementée par Lula.
[FAL] : On a entendu que la crevette est devenu un symbole de l’antifascisme. Pourquoi un tel symbole ?
Oh c’est encore assez marginal. Depuis la tentative d’assassinat dont il a été la cible en 2018, il souffre régulièrement d’occlusions intestinales. Suite à l’ingestion d’une crevette mal mâchée, il s’est ainsi retrouvé à l’hôpital pendant deux jours. On comprend que les mouvements sociaux se soient emparés de l’image du crustacé pour en faire un symbole de résistance au bolsonarisme. À ce sujet, de nombreux « mèmes » circulent sur internet. Sous forme de boutade l’un dit « Si Bolsonaro a failli mourir avec une crevette, qu’est-ce que ce sera avec un calamar ? ». La traduction de calamar en brésilien, c’est « lula ». Un rappel qu’il aura affaire à un os dans le cadre de ces élections.
[FAL] : D’aucuns craignent qu’une défaite de Bolsonaro pourrait déclencher des violences similaires à celles qui se sont déroulées après la défaite de Trump. Peux-tu nous en dire un mot ainsi que les raisons qui font craindre de telles violences ?
Des menaces sont effectivement proférées dans ce sens, depuis longtemps, par Bolsonaro. Mais il a récemment adouci son discours. Il a même déclaré qu’il reconnaîtrait les résultats…ajoutant cependant « si elles sont propres ». Ses partisans sont cependant très nombreux – sinon majoritaire – au sein des forces de police et de sécurité. Le risque n’est donc pas à prendre à la légère. Un scénario à la Trump est toutefois peu probable selon moi. Et moins encore un coup d’État. Et ce pour plusieurs raisons : existence de division au sein des forces armées, distanciation de nombre de ses puissants soutiens de la première heure, dans les milieux économiques notamment, et positionnement des États-Unis. Biden n’a pas oublié la lune de miel entre Trump et Bolsonaro. Il avait aussi dénoncé la gestion environnementale du président d’extrême droite et même menacé le Brésil de sanctions économiques. Pour rappel, 40 000 km2 ont été déforestés sous son mandat [NDLR : ça équivaut à 5 602 240 terrains de foot.]. Surtout, son administration n’a pas du tout apprécié la visite officielle de Bolsonaro en Russie, une dizaine de jours avant l’invasion de l’Ukraine. Aussi, se portera-t-elle garante, à n’en pas douter, du bon déroulement de ces élections. C’est piquant de mettre en évidence cette nouvelle réalité. Car historiquement, les États-Unis, ont soutenu de nombreux coups d’État de droite en Amérique latine, y compris en 1964 au Brésil.
Rappelons enfin qu’il y a un an, le jour de la fête nationale (7 septembre), Bolsonaro avait déjà essayé de faire un coup d’éclat en mobilisant ses partisans contre la Cour Suprême. Or, cela s’est révélé être un flop. Les bolsonaristes sur place étaient beaucoup moins nombreux que prévu.
[FAL] : Quels sont les risques pour toi en cas d’une victoire électorale de Bolsonaro dimanche ?
Une éventuelle victoire Bolsonaro est très peu probable, les tout derniers sondages donnent 47 à 50% à Lula et à peine 31 à 36% à Bolsonaro. [NDLR : Aujourd’hui 3/10/2022 les résultats sont d’environ 48% pour Lula et environ 43% pour Bolsonaro.]. Lula peut donc l’emporter au premier tour. Si tel est le cas, ce serait un véritable désaveu pour Bolsonaro. En revanche, si Boslonaro passe, la situation entre les deux tours risque d’être très tendue. Et si l’écart entre les deux candidats est faible, il y aura un véritable risque que Bolsonaro conteste le résultat des élections.
Autrement dit, il vaut donc mieux que Lula passe au premier tour. Mais l’histoire politique de l’Amérique latine a souvent offert des surprises. L’élection de Bolsonaro en 2018 l’était déjà. Quelques mois plus tôt, peu nombreux étaient les Brésiliens et Brésiliennes qui pariaient sur une victoire du candidat d’extrême droite.
Et s’il gagne ces élections, c’est bien l’avenir démocratique du Brésil qui sera remis en question avec des conséquences apocalyptiques pour les plus pauvres, les minorités et les sans-droits. Cela aura également un impact direct sur son environnement régional, les autres pays d’Amérique latine et indirectement sur le monde, le pays étant un acteur international incontournable.
[FAL] : Un dernier mot ou commentaire que tu voudrais nous dire ?
Le Brésil offre une leçon pour nos démocraties. Il donne à voir tous les ressorts qui ont permis le retour du fascisme dans le pays : montée du sentiment religieux, du moralisme et appel au retour aux valeurs traditionnelles, dégradation des conditions de vie, tant sur le plan socio-économique que sur le plan sécuritaire, captation de la frustration ambiante par des groupes organisés, apparition d’une figure providentielle, érosion du consensus, défiance vis-à-vis des institutions, etc. C’est dire qu’il faut d’abord et avant tout s’attaquer à ces problèmes. C’est indispensable pour contrer la montée du fascisme. Mais il y a aussi un autre défi : renouer avec le monde populaire. Autrement dit, il s’agira pour le front antifasciste – et plus largement le camp démocratique – de reconquérir cet espace social perdu au profit au profit de l’extrême droite.