Une nouvelle initiative de veille antifasciste s’est créé. Il s’agit du blog « Liege Metal Watch« . Nous vous invitons à le découvrir et, si vous êtes coutumier.e.s de la scène métal, n’hésitez pas à les renforcer. Voici leur manifeste :
Lorsqu’en 2017 la scène metal liégeoise a vu s’agiter un certain nombre de personnes proches de la mouvance NSBM (pour National-Socialist Black Metal, la frange néofasciste du Black Metal), une salutaire mobilisation antifasciste a permis d’empêcher ces groupes et leur public de s’installer et de se développer dans les salles de la cité ardente et de ses environs. Depuis lors, ces personnes, de gré ou de force, se sont faites discrètes dans nos concerts.
En 2024, on ne peut que constater que comme dans le reste de la société, la scène metal mondiale voit une résurgence de l’extrême droite et des idées réactionnaires, à l’œuvre depuis plusieurs années.
Citons de manière non exhaustive le salut nazi de Phil Anselmo de Pantera [1], l‘accumulation de liens entre MGLA et les réseaux NSBM et néo-nazi [2], la glorification latente du régime nazi par Marduk, qui ne saurait être rejetée par l’exclusion de Joël Lindholm [3], la participation de John Shaffer de Iced Earth à l’assaut du capitole aux États-Unis [4], sans oublier évidemment les accusations de violences sexistes et sexuelles qui ne cessent de se multiplier autour de groupes plus ou moins fameux, y compris sur des scènes dites « progressistes » [5].
Face à ce constat, il est tentant de considérer les milieux metal comme « perdus pour la cause », d’acter leur noyautage par les fascistes et les réactionnaires, et d’acter dans le même élan que la scène est et sera indéfiniment insécurisante, voire carrément dangereuse pour une partie du public: personnes racisées, femmes, minorités sexuelles ou de genre, personnes handies, etc. qui sont les cibles de l’extrême droite, et plus généralement les victimes des inégalités structurelles d’une société capitaliste, raciste et patriarcale.
Ce serait pourtant oublier que si une frange de la scène a historiquement eu partie liée avec l’extrême droite, une autre frange de cette même scène s’est fait remarquer pour ses engagements progressistes, et ses liens avec les mouvements sociaux. De nombreux groupes ou sous-genres sont désormais célèbres pour leurs engagements à gauche, pour l’égalité, l’émancipation et l’inclusion. Citons pèle-mêle Napalm Death, Rage Against the Machine, Body Count, Bolt Thrower, Heaven Shall Burn ou encore Wormrot. Il faut également se rappeler que même dans des sous-genre historiquement noyautés par l’extrême droite, des groupes comme Summoning ou 1914 affirment publiquement leur antifascisme [6, 7]. Enfin, il faut aussi mentionner que le souci de ne pas offrir de visibilité aux fascistes sur la scène a amené à l’émergence de réseaux d’information [8], de labels [9], de canaux de diffusion dédiés [10], et même à l’organisation de festivals [11].
C’est dans la continuité de ces initiatives que nous lançons aujourd’hui Liège Metal Watch. Nous sommes antifascistes, amateur·ice·s de metal et de musiques extrêmes, et nous ne souhaitons pas abandonner nos concerts et nos festivals à l’extrême droite ou à ceux qui se font, de gré ou de force, son marchepied.
Nous ne souscrivons pas à l’idée qu’on peut faire abstraction du discours politique porté par un groupe se produisant sur scène, ou que la présence dans le public de personnes portant des idéologies ou des discours d’extrême droite est inoffensive au nom d’une supposée « grande famille du metal », une expression qui au fond ne relève jamais que de la déclaration d’intention, jamais suivie d’effet.
Nous souhaitons que disparaissent une série de pratiques et de postures courantes sur notre scène, à savoir:
– La tolérance face à la présence de personnes identifées commes fascistes ou d’extrême-droite;
– La minimisation de la portée de leurs actes et de leurs idées;
– L’inversion accusatoire qui émerge systématiquement lorsque des personnes dénoncent des faits, propos ou comportement oppressifs, et qui se voient rétorquer qu’iels seraient des « trouble-fêtes » qui « exagèrent ».
Car nous savons que les concerts et les festivals sont parfois des lieux de propagande [12], et plus généralement un terrain largement favorable à l’extrême droite dans la bataille culturelle. Parce que nous voulons pouvoir aller au concert ou en festival sans risquer d’y croiser des fascistes, et parce que nous ne souhaitons plus hésiter à nous déplacer pour une fête parce que nous craignons pour notre sécurité ou celle de nos ami·e·s.
Liège Metal Watch propose donc de revitaliser la veille et la culture antifasciste sur la scène metal liégeoise (et ponctuellement au-delà de Liège et sur d’autres scènes que la scène metal, en produisant un travail de recherche et d’information sur des acteurs connus de l’extrême droite sur la scène, en invitant chacun·e à être vigilant·e et intransigeant·e face à la présence de l’extrême droite dans nos fêtes et progressivement, d’amorcer un changement profond de mentalité dans notre communauté.
Pour une scène plus ouverte, plus sécurisante, plus inclusive, sur laquelle se développe des messages et une culture de l’égalité et de lutte pour l’émancipation collective et individuelle.
Fachos, natios, machos, hors de nos concerts, hors de nos festivals.