Ce mercredi 27 octobre 2021 devait se dérouler un meeting lançant la création d’une nouvelle formation politique d’extrême-droite en Belgique francophone, intitulée « Chez nous », déjà présente sur Internet depuis l’été 2021.
Point d’importance, « Chez nous » avait appelé à l’aide deux « grands frères », le Vlaams Belang en la personne de son président, Tom Van Grieken, et le Rassemblement National, via Jordan Bardella, président par intérim, imposé par népotisme par Marine Le Pen. Si la création d’une succursale du VB et du RN du côté wallon n’est pas pour nous faire plaisir, la provocation à l’annonce d’un meeting d’extrême-droite en région liégeoise ne pouvait rester sans réponse.
A l’horizon de l’élection présidentielle française de 2022, et surtout de l’importante échéance électorale belge de 2024 (puisque tous les niveaux, du communal aux européennes, en passant par le provincial, le régional et le fédéral sont concernés, la mise en place d’un satellite d’extrême droite (venant du RN ou du VB) en Belgique francophone ne devait pas être sous-estimée.
Les deux grands partis, en France et en Belgique, comptent bel et bien remporter une victoire électorale. D’ores et déjà, il est clair pour le Front Antifasciste Liégeois et bien d’autres groupes, que nous ferons tout ce qui est possible afin d’endiguer cette victoire.
C’est dans cette optique que l’annonce, dès le début du mois d’octobre, d’un contre-meeting et la mise en place d’un long travail antifasciste, en large partie imperceptible, ont permis d’empêcher l’organisation de ce meeting.
Un tel résultat n’aurait pas été possible sans la mobilisation, virtuelle et réelle, de nombreux.se.s militant.e.s venu.e.s des quatre coins de Belgique. Sans toutes ces personnes ayant apporté leur soutien, ayant relayé notre message, appelés leurs collectifs, associations, partis ou syndicats à prendre position et à se mobiliser, une victoire aussi éclatante n’aurait pas été possible. C’est pourquoi nous voulons remercier publiquement toutes celles et tous ceux qui, en ayant été sur place le jour même (ou prévu d’y venir si le meeting avait été maintenu) ou en ayant travaillé dans l’ombre, ont permis un tel succès. Cette victoire vous est largement due !
Nous devons également remercier les participant.e.s et sympathisant.e.s du FAL 2.0 qui, ces dernières semaines, ont multiplié les actions permettant d’alimenter le mouvement social liégeois.
Citons, dans les actions récentes :
– Les sessions de tractages et d’affichages dans l’espace public contre le meeting ;
– La mise en place d’un Tournoi Intergalactique de Football Populaire dans le cadre du « Voyage pour la Vie » des comp@s mexicaines zapatistes [1] ;
– La participation à la rentrée associative des Grignoux, en présence de Thomas Jacobi et Angélique Kourounis, réalisatrices du documentaire Aube Dorée, l’affaire de tous ;
– Le lancement mensuel des premiers « cafés antifascistes » à Liège ;
– L’écriture d’articles d’analyse sur les extrêmes droites et le complotisme ;
– La présence au rassemblement liégeois à l’initiative du collectif « Même pas peur » contre le Covid Safe Ticket. Ces actions mises en place depuis la rentrée scolaire ont permis la diffusion de l’information et la mobilisation des personnes lors du contre-meeting.
La pluralité des personnes présentes lors de notre rassemblement improvisé à l’esplanade Saint-Léonard le 27 octobre à 18h, suite à l’annonce l’après-midi de l’annulation du meeting fasciste est également une nouvelle victoire : de sensibilités anarchiste ou communiste révolutionnaire (La Gauche Anticapitaliste, le Parti Socialiste de Lutte, le Parti Communiste) ; l’ensemble des partis de gauche représentés, du Parti du Travail en Belgique au Parti Socialiste ; les deux principaux syndicats wallons (FGTB et CSC) qui ont pris l’initiative de contacter l’ensemble des communes wallonnes en les exhortant à ne pas accepter les extrêmes-droites sur leur territoires ; de nombreuses associations pluralistes (le Centre d’Action Laïque, les Femmes Prévoyantes Socialistes, les Territoires de la Mémoire, le Mouvement Ouvrier Chrétien, etc.) ainsi que des citoyens et citoyennes de tous horizons géographique et politique.
Soulignons également que des militant.e.s de Bruxelles avaient fait le déplacement. D’autres, venant notamment de Charleroi, Namur ou Anvers et même de Tournai, étaient prêts à nous rejoindre si le meeting avait lieu.
Ceci exprime un signal important pour les luttes antifascistes à venir en Belgique : c’est l’ensemble du pays qui est uni contre les extrêmes droites.
Cette hétérogénéité nous semble liée à la stratégie du Front Antifasciste de Liège 2.0 reliant à la fois la dimension unitaire et la dimension radicale de la lutte antifasciste. Comme nous l’avons défendu dès notre constitution en 2019, nous voulons « regrouper le plus largement possible toutes les sensibilités de l’antifascisme sans jugement de valeurs sur les méthodes ou les degrés d’engagement mais ayant un objectif clair et précis : la lutte contre les propos, idées, actions de personnes ou de groupement d’extrême-droite ».
Avant de conclure ce premier bilan, quelques commentaires doivent y être ajoutés :
- Vers ceux et celles qui, de manière honnête ou hypocrite, s’inquiètent ou nous critiquent sur le fait que nous ferions de la publicité à l’extrême-droite, nous souhaiterions partager quelques faits et réflexions. D’abord, remarquons que cette médiatisation a débuté bien avant l’annonce du contre-meeting du FAL. Si on peut s’étonner qu’une micro-formation n’ayant qu’un site Internet et une page Facebook puisse bénéficier d’une telle couverture médiatique, ce n’est pas à nous qu’une telle question doit être posée. De plus, alors que les extrêmes-droites belges, NVA et VB en tête, et françaises, ne cessent d’avoir accès à toutes les tribunes, à toutes les ondes et à toutes les colonnes, l’enjeu n’est pas celui de la médiatisation de l’extrême-droite, mais bien celui d’empêcher celle-ci de se structurer.
- Notre action, qui aurait dans tous les cas empêché la tenue de ce meeting, a permis de faire perdre du crédit à la formation « Chez nous », ainsi qu’à ses partenaires et sympathisants. Elle leur a également fait perdre du temps, de l’énergie et de l’argent. En les obligeant à nous consacrer de l’attention, en leur imposant la crainte d’une réaction de notre part, en inspirant chez eux un sentiment d’impuissance et d’humiliation, nous permettons que ces formations perdent de leur dynamisme, de l’énergie et des soutiens éventuels. De par nos mobilisations, nous les empêchons de se structurer, de s’organiser ou de recruter. Ainsi, nous empêchons toute volonté de constituer de nouvelles formations d’extrêmes-droites, et poussons les formations existantes à la marginalité. Par ailleurs, il faut souligner la piètre qualité de la conférence de presse remplaçant le meeting et l’amateurisme politique prégnant de « Chez nous », limitée à une pauvre démagogie sans grande originalité.
- Un point plus litigieux doit également être évoqué ici : le drôle de jeu auquel a joué le bourgmestre faisant fonction de Herstal dans l’annulation du meeting d’extrême-droite. Si ce dernier était au courant depuis plusieurs jours de la tentative de réservation d’une salle sur son territoire pour ce meeting des extrêmes-droites, ce n’est que la veille du meeting, vraisemblablement sous un motif de « sécurité », que l’interdiction a pu être défendue. Ce motif fait des personnes mobilisées contre l’extrême droite un soi-disant « danger », les transformant en un potentiel « trouble à l’ordre public permanent », c’est-à-dire en un prétexte bien utile pour conjurer les mobilisations d’extrême-droite sur un territoire donné. Cela nous semble une instrumentalisation dangereuse, car d’une part elle renforce le discours d’extrême-droite à notre égard, et car d’autre part, elle déforce objectivement les mouvements antifascistes. En effet, que les partis institués n’osent pas assumer la nécessaire lutte contre l’extrême-droite, pour quelque motif que ce soit, n’est pas acceptable. L’Histoire, même récente, nous rappelle que les extrêmes-droites profitent des compromissions démocratiques pour monter en puissance. Afin de conjurer leur ascension, il est nécessaire d’affirmer sans ambage que l’antifascisme doit être la lutte et la perspective politique de l’avenir.
Ces commentaires sont, bien entendu, ouverts à la discussion et à la réflexion de chacun et chacune. En effet, les assemblées et activités du Front Antifasciste de Liège 2.0 sont ouvertes au public. Ce premier bilan doit surtout nous servir à nous préparer à la prochaine tentative de l’extrême droite de se structurer en vue des élections de 2024. L’antifascisme a obtenu par sa mobilisation une nouvelle victoire que nous nous devons de savourer. Mais cette victoire ne marque pas la fin de la vigilance et de la lutte. Nous devrons, et ce dès les jours qui viennent, continuer le travail de fond et nous tenir prêt à systématiquement tuer dans l’oeuf toute possibilité d’une émergence politique de l’extrême droite en Belgique francophone. Plus que jamais, « No Pasaran » !
Des participant.e.s du Front Antifasciste de Liège 2.0
[1]
Comp@s désigne autant les termes de « compañeros » (« compagnons ») que de « compañeras » (« compagnones »).↩