Discours du Front Antifasciste de Liège 8 mai 2023

Chers amis, chères amies, chers camarades,

Tout d’abord, je voudrais vous remercier pour avoir répondu si nombreux.ses à l’appel de la coalition 8 mai, de l’ASBL La Cible et du Front Antifasciste de Liège 2.0 pour qui j’ai le privilège, en tant que participant, de prendre la parole aujourd’hui devant vous.

Le 8 mai 1945 sonnait enfin le glas de la guerre et de l’Allemagne nazie. 10 ans plus tard, en 1955, était construit ce Monument National à la Résistance devant lequel nous nous trouvons pour rendre mémoire aux résistantes et résistantes belges, et plus particulièrement liégeoises. Un monument pour la mémoire mais surtout un monument pour rester continuellement alerte contre les menaces de l’extrême-droite et celles des fascistes.

La Ville de Liège ne fut pas choisie au hasard, c’est parce que les liégeois et liégeoises furent particulièrement actives dans cette résistance au nazisme. Malgré la terrible répression, particulièrement entre 1941 et 1943, ce sont plus de 250 actes de résistances diverses au nazisme qui se dérouleront sur le seul territoire du Grand Liège. Hommes et femmes participeront à cette résistance, le payant parfois de leur vie, c’est pourquoi on retrouve, fait rare, un homme et une femme sur ce mémorial incarnant les figures tant connue qu’inconnue de la Résistance. Ce mémorial nous rappelle donc les formes plurielles que nécessitèrent la Résistance.

L’antifascisme à Liège a une longue histoire. Elle débute il y a environ un siècle, elle est d’abord celle d’ouvriers réfugiés. Italiens et italiennes dès les années 1920 puis, plus tard, ce fut le tour de l’ouvrier allemand, espagnol, portugais puis grecs. Plus tard encore, ce sont différentes vagues d’immigrations, souvent issues de diasporas engagées, qui viendront trouver refuge à Liège, fuyant la guerre et les persécutions politiques. Ces différentes diasporas, je pense par exemple à mes ami.e.s turc.que.s, chilien.ne.s et kurdes, garderont, elles aussi, vive la flamme de la lutte contre les fascismes, les autoritarismes et les réactionnaires. Voilà peut-être la seconde information que je voulais donner aujourd’hui : l’antifascisme est par essence internationaliste et plonge ses racines dans la lutte des travailleurs et travailleuses immigrées ! C’est ces héritages dont nous voulons saluer la mémoire en ce jour.

Après ce bref détour historique, j’aimerai insister sur deux points en cette période où les menaces se multiplient :

  • L’extrême-droite n’a jamais accédée seule au pouvoir, elle n’a pas conquis le pouvoir politique comme une force armée conquiert une citadelle. Si elle est parvenue, généralement, a obtenir le pouvoir par voie légale – ce qui ne veut pas dire sans effusion de sang -, c’est parce que cette conquête est préparée par tout une période historique que l’on peut désigner par l’expression de « fascisation ». Or, ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que les idées propagées par l’extrême droite ont percolé dans la société, certes sous des formes et des accents différents.

Ce que l’on constate également, c’est que les frontières entre les partis d’extrême-droite et les partis traditionnels se sont amenuisées. Depuis 2014 la Ligue des droits humains s’en inquiètent et nous en informent : environ 80 % des points de programme qui avait entraîné, entre autre, la condamnation du Vlaams Block se retrouvent aujourd’hui dans les politiques gouvernementales misent en place par les partis politiques traditionnels. C’est encore des présidents de partis qui multiplient les clins d’œil à l’électorat d’extrême-droite en reprenant leurs thématiques, postures et vocabulaires.

Ce que l’on constate encore, c’est un attaque organisée contre les conquis sociaux, démocratiques et humains : des dizaines de milliers de personnes meurent dans la méditerranée, dans les Alpes, dans des camps payés par l’UE à des régimes autoritaires aux frontières de l’Europe mais également à l’intérieur de ses frontières, que ce soit dans la traque par ses polices comme en Belgique où on se souvent tous et toutes du meurtre de la petite Mawda mais aussi par son refus de l’asile et l’accueil, quitte pour cela à bafouer à des milliers de reprises l’Etat de droit, à laisser des milliers de familles à la rue.

C’est également les nombreuses attaques contre les femmes et leurs luttes comme l’IVG mais aussi contre leur autonomie tant matérielle que politique.

C’est également la recrudescence des conservatismes et du maccarthysme contre un prétendu « wokisme » qui s’attaquent dans les faits à des minorités de race, sexuelles ou de genre.

C’est également les nombreuses attaques contre les libertés fondamentales, les libertés politiques comme on le voit aujourd’hui avec la criminalisation des mouvements sociaux et syndicaux, avec les multiples attaques contre le droit de grève lancées par le patronat soutenu par l’Etat. Ces derniers tentant de briser par tous les moyens la résistance sociale des Delhaizien.ne.s.

Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est la multiple variété de « symptômes morbides » (pour reprendre l’expression de Gramsci), en particulier le durcissement autoritaire de l’Etat et la montée du racisme. Tout cela témoignent que nous bien sommes dans une période de fascisation.

  • La seconde idée, plus optimiste que la première, c’est que nous avons les moyens de résister. Comme hier, nous avons le devoir moral et politique de résister. Et force est de constater qu’en Wallonie, et plus particulièrement à Liège, nous réussissons le plus souvent à faire reculer les extrêmes-droites et les réactionnaires. A cette fin, il ne faut jamais jouer la défense : il faut garder l’offensive, être une force créative, radicale et dynamique, fière de sa pluralité. Une force cherchant à se rassembler au-delà des clivages, à surpasser les divergences stratégiques et à renforcer des espaces de rencontre en bas à gauche. C’est pourquoi des journées comme aujourd’hui sont importantes car il s’agit d’occuper le terrain : notre terrain, avec nos propositions, avec nos accents, avec nos thématiques : davantage d’égalité, davantage de liberté et davantage d’humanité.

Il s’agit également d’empêcher l’extrême-droite par tous les moyens possibles. Nous ne cachons pas notre stratégie : celle de tuer toute initiative d’extrême-droite dans l’œuf car il vaut mieux tuer le danger quand il est faible que de se réveiller, trop tard, quand il est fort. L’exemple français nous le rappelle le danger de les laisser s’organiser, gagner des élections et de les laisser verser leur démagogie dans les médias. C’est pourquoi le FAL, à chaque fois, se mobilise contre ces forces, ne serait-ce que pour pouvoir leur faire dépenser de l’énergie, du temps, de l’argent – toutes des ressources qu’ils ne pourront pas mobiliser pour s’organiser ni se structurer.

A court terme, cela passe à la fois par renforcer les initiatives et les collectifs locaux antifascistes mais aussi par leur infliger une cuisante défaite aux élections de 2024. Alors si le cœur vous en dit, rejoignez nous contre la peste brune ! Car je peux vous garantir une chose : que ce soit comme en 1945 ou aujourd’hui en 2023, nos luttes les en empêcheront !

Alors, tous et toutes ensemble, no Pasaran ! No Pasaran ! No Pasaran !

Conférence gesticulée « Moins con qu’un poisson, pourquoi on ne débat pas avec l’extrême-droite ? » qui a suivi la mobilisation devant le Mémorial.