Émeutes racistes au Royaume-Uni et riposte antifasciste

Nous avons pris l’initiative de traduire le texte d’un groupe antifasciste local qui explique comment, et pourquoi, on ne peut pas compter sur la police pour arrêter les fascistes (voir plus bas).

Contexte

Après l’horrible meurtre au couteau de 3 fillettes par un adolescent pendant un cours de danse, l’extrême droite britannique et internationale ont lancé une campagne de désinformation (prétendant que le tueur était un demandeur d’asile musulman, deux informations fausses) ce qui a donné lieu à des émeutes racistes sans précédent à travers le pays.

Comme d’habitude dans ce genre de cas, l’extrême droite a piétiné le deuil des familles, ne les a en rien soutenues et a récupéré leur douleur pour servir son agenda politique. L’extrême droite a préféré se défouler sur des personnes déjà tout en bas de l’échelle sociale, entre autres des personnes demandeuses d’asile ou des travailleur·euses racisé·es de petits commerces.

Heureusement, des « jeunes de quartier », des mosquées prises pour cibles et différents mouvements antifascistes se sont organisés et ont commencé à reprendre la rue. Mercredi, alors que de nouvelles émeutes racistes étaient prévues, des manifestations antifascistes importantes ont eut lieu et la plupart des néo-fascistes sont restés chez eux ou se sont fait chasser. Là où ils s’étaient donnés rendez-vous pour attaquer des cibles, ils ont trouvé des milliers de personnes venues pour défendre la communauté.

Manifestation antifasciste à Walthamstow

Cependant, avec la manière dont les néo-fascistes s’organisent en réseau aujourd’hui et avec la manière dont ils désinforment des pans entiers de la population, ce type d’événements se reproduira. Nous rappelons donc à quel point il est important « de faire sa part » et de s’organiser avec d’autres personnes ou groupes (« let’s organize ! » était le slogan principal des antifascistes britanniques dans les années 1960).

Antifa Squads

Plus il y a de groupes antiracistes et antifascistes pré-existants à ces tentatives de progroms, et plus il y a un tissu communautaire local épais (c’est-à-dire des endroits où différentes communautés se côtoient et ont déjà lutté ensemble, sans instrumentalisation), plus l’autodéfense populaire fonctionne et moins les néo-fascistes peuvent faire des dégâts.

On ne peut pas déléguer l’antifascisme à d’autres, ni à l’État ou à sa police.


Nous avons pris l’initiative de traduire ce texte de Bristol Antifascists relayé par Freedom Press UK et qui revient sur un exemple illustratif, samedi dernier.

Nous conseillons aussi cet article (seulement en anglais) : https://itsgoingdown.org/uk-mass-community-defense-far-right-attacks/

Hier (samedi 3 août 2024), les « Bristol Antifascists » s’est joit à d’autres groupes antiracistes et antifascistes de Bristol et du Sud-Ouest, ainsi qu’à des centaines de Bristolien·nes, pour s’opposer à une manifestation d’extrême droite « Stop the Boats ».

Nous voulons que les gens comprennent d’emblée : des centaines de Bristoliens normaux ont tenu tête hier à un assaut brutal et soutenu par des fascistes qui tentaient d’attaquer un hôtel abritant des familles de migrants et de demandeurs d’asile avec de très jeunes enfants. La police a absolument manqué à son devoir de protéger ces familles.

Désorganisée, incompétente et désespérément inférieure en nombre aux fascistes, la police d’Avon et de Somerset ainsi que les renforts venus de l’extérieur de la région auraient, si elles avaient été laissées à elles-mêmes hier, permis à un pogrom de se produire.

À ce stade, tout le monde connaît les meurtres de Bebe, Elsie et Alice à Southport lundi (29 août 2024). Nous avons le cœur brisé pour ces petites filles, leurs familles et leurs proches. Nous ne pouvons pas imaginer la douleur qu’ils souffrent en ce moment. Nous souhaitons un prompt rétablissement aux autres enfants et adultes blessés et traumatisés par cette attaque.

Des groupes d’extrême droite et fascistes utilisent cette tragédie et l’histoire catégoriquement fausse selon laquelle l’agresseur était un migrant ou un demandeur d’asile ainsi qu’un musulman comme excuse pour commettre de violents pogroms contre ces membres de nos communautés à travers le pays.

« Bristol Antifascists » et nos camarades ont rejoint une contre-manifestation statique et pacifique d’environ 700 personnes à 18 heures à Castle Park. Durant une heure, de petits groupes de fascistes et d’extrême droite ont tenté de provoquer ou même d’attaquer les gens en marge de la manifestation. Vers 19 heures, un groupe plus important d’environ 100 à 200 fascistes s’était rassemblé à proximité dans le parc. Les fascistes avaient manifestement bu toute la journée et, pleins de courage, étaient avides de violence, tentant de marcher directement sur la contre-manifestation statique à côté de l’église Saint-Nicolas.

Il s’en est suivi une série d’attaques des fascistes contre la protestation statique alors qu’ils franchissaient à plusieurs reprises les lignes de police désespérément minces. Nous avons été confronté·es à des canettes pleines de bière et de cidre, à des bouteilles en verre, à des jets de pierres et à une série d’agressions physiques directes par des groupes d’aspirants hommes en herbe énervés et drogués, qui ont été renvoyés à plusieurs reprises par des contre-manifestant·es et des antifascistes bien mieux organisé·es. Même avec des chevaux et des chiens d’attaque, la police était beaucoup trop en infériorité numérique et beaucoup trop désorganisée pour contrôler efficacement les fascistes, et l’autodéfense collective était la seule chose qui protégeait tout le monde.

Finalement, les fascistes se sont retirés à Bristol Bridge. Sachant qu’ils avaient l’intention de se rendre à Redcliffe Hill, où se trouve l’hôtel Mercure abritant des familles de migrants, une décision rapide a été prise par un total d’environ 200 à 250 contre-manifestants de se rendre à l’hôtel via Queen Square pour le protéger.

Lorsque nous sommes arrivé·es, la police était presque totalement absente, avec une poignée de flics à vélo qui nous avaient suivi·es était la seule présence visible. Conscient·es de notre apparence potentiellement effrayante pour les résident·es de l’hôtel, nous nous sommes assuré·es de démontrer notre solidarité et notre amour pour eux, avec des salutations, des pouces levés et des signes du cœur échangés entre les antifascistes et les résident·es de l’hôtel. C’était vraiment frappant de voir combien de résident·es sont de très jeunes enfants en âge d’aller à l’école primaire. Les fenêtres du hall du rez-de-chaussée sont couvertes de dessins et de peintures d’enfants.

Un groupe de contre-manifestant·es s’est aligné et s’est serré les bras à travers l’entrée de l’hôtel, tandis que d’autres encore se formaient en un bloc serré sur la pelouse devant l’hôtel. Après environ 30 minutes, un groupe d’environ 80 à 100 fascistes, qui avaient échappés à la police sur le pont de Bristol, a grimpé Redcliffe Hill et a immédiatement commencé à nous attaquer à l’extérieur de l’hôtel. Encore une fois, la police était largement en infériorité numérique et incapable de se défendre efficacement, et encore moins de défendre qui que ce soit d’autre.

Durant un moment long d’environ 15 à 20 minutes, les antifascistes ont tenu bon, nous défendant les un·es les autres contre un assaut constant et intense de poings, de coups de pied, de bouteilles et de pierres lancés sur nous par des fascistes déterminés à attaquer l’hôtel et ses résident·es. La poignée de policiers présente s’est débattue, frappant des gens au hasard avec des matraques, et parfois aspergeant des groupes de personnes de lacrymos.

Prima Linea

Lorsque les forces de l’ordre sont enfin arrivés avec leurs chiens d’attaque, leurs chevaux et leurs officiers supplémentaires, les fascistes ont perdu leur courage et se sont retirés de l’autre côté de Redcliffe Hill. Ils sont restés là en nombre décroissant rapidement, lançant parfois des insultes ou des bouteilles en verre aux contre-manifestant·es, mais finalement incapables de rassembler une autre tentative d’attaque de l’hôtel.

La majorité des 200 à 250 contre-manifestant·es est restée à l’extérieur de l’hôtel pour le protéger jusqu’à environ 21 heures, quand des conseillers municipaux du Parti Vert de Bristol ont commencé à encourager les gens à partir, leur disant que la police avait désormais la situation sous contrôle. Les antifascistes de Bristol veulent que ce soit clair : c’était une erreur de leur part. La police avait fait preuve d’une incapacité totale à défendre les personnes hébergées à l’hôtel Mercure ou à contenir la menace fasciste dans notre ville. Il y avait encore un potentiel pour que les fascistes se regroupent et tentent à nouveau d’attaquer l’hôtel. Environ 50 à 60 personnes ont choisi de séjourner à l’hôtel car il commençait à faire nuit. Nous avions reçu une demande de parents à l’intérieur de l’hôtel pour maintenir le silence pendant qu’ils mettaient de jeunes enfants au lit, et nous avons joyeusement accepté.

Vers 22 heures, alors qu’un grand nombre de policiers arrivait à l’hôtel, celleux d’entre nous qui restaient ont décidé que le moment était venu de partir discrètement en groupe puis de se disperser dans une zone sûre de la ville. Cependant, c’était avant que la police ne décide de réaffirmer son autorité après une journée franchement humiliante pour elle. Alors que les gens étaient en grande partie assis tranquillement sur l’herbe ou discutaient devant l’entrée de l’hôtel, un groupe de flics anti-émeute s’est soudainement frayé un chemin vers l’avant de l’hôtel, frappant, bousculant et criant sur les contre-manifestant·es sans raison apparente. Bien. Qu’ils croient qu’ils sont aux commandes. Tout ce qui les fera taire.

Malgré une confusion évidente et un manque de communication entre les différents groupes de policiers essayant de nous envoyer dans des directions opposées, nous avons finalement quitté la région de Redcliffe Hill et nous nous sommes tranquillement dissous, nous fondant à nouveau dans la nuit maintenant calme de la ville dans laquelle nous vivons et que nous aimons tant.

Nous voulons insister sur ce point : les médias, les politiciens et la police parleront des « manifestants » et du « public » comme s’il s’agissait de deux groupes de personnes qui s’excluent mutuellement. Nous sommes le public. Cette ville est notre maison, et les gens qui y vivent, de toutes races, ethnies et religions, sont nos voisins et nos amis. Il en va de même pour les résident·es de l’hôtel Mercure. Bristol accueille des migrant·es et des réfugié·es, et nous nous battrons pour elleux s’il le faut.

La journée d’hier a montré le pouvoir et l’importance de l’autodéfense communautaire. Des Bristoliens normaux se sont mis en danger pour protéger leurs voisins de l’hôtel Mercure, et nous avons empêché une foule violente et raciste de faire du mal aux familles à l’intérieur. La police était plus qu’inutile, et c’est la bravoure, la conviction morale et la solidarité communautaire des contre-manifestant·es antifascistes qui ont tenu les fascistes à distance.

Encore une fois, nous sommes le public. En dehors de cela, nous sommes des gens normaux et ennuyeux, avec des vies normales et des emplois normaux et ennuyeux. L’antifascisme est et doit être un effort communautaire, et alors que cette flambée de violence d’extrême droite se poursuit, nous allons avoir besoin que tout le monde se lève et fasse sa part pour assurer la sécurité de nos communautés dans tout le pays.

Chaque jour est la bataille de Cable Street.

Always Antifascist. No Pasaran.
Love and Solidarity Forever.
Bristol Antifascists.