De la situation dramatique en Syrie aux événements en Grèce

« La seule façon de te sauver toi-même, c’est de lutter pour sauver tous les autres. »

Nikos Kazantakis

A la vue d’une guerre civile en Syrie où le régime d’Assad et ses alliés, en particulier Poutine, continuent leur guerre d’agression par le biais de la destruction armée, des bombardements et du gazage à l’encontre de la population civile, opposée ou non, au régime de Damas. Si cela se déroule depuis déjà neuf années, aujourd’hui c’est plus particulièrement de la région d’Idleb qui subit cette guerre, entraînant le déplacement forcé et massif de nombreuses personnes;

A la vue d’une histoire de l’impérialisme américain, sous couvert de l’Otan ou non, se déroulant toujours actuellement en Syrie, dans la continuité des différentes guerres, les financements et l’armement de différents groupes paramilitaires, le pillage des richesses et de la destruction des groupes humains dans le monde arabe depuis des années, et qui renforce les dynamiques de guerre et le chaos sur place;

A la vue d’un impérialisme ottoman lorgnant toujours sur le Kurdistan et dans la continuité du renforcement dictatorial du pouvoir de l’AKP, le régime d’Erdogan, usant de la guerre se jouant à Idleb et de l’hypocrisie européenne concernant les flux migratoires, transportent volontairement les réfugiés de guerre vers la frontière grecque tout en empêchant ces derniers de rebrousser chemin;

A la vue de l’hypocrisie et de la politique meurtrière de l’Union Européenne en Syrie et sur les questions migratoires, l’Europe, et par conséquent nos gouvernements, ajoute au cynisme en débloquant très rapidement 700 millions d’euros pour tenir les frontières fermées aux personnes réfugiées. L’Europe qui, avec le reste du monde occidental, perdure le pillage des richesses et la destruction des groupes humains surnuméraire, maintient sa nécropolitique par l’externalisation et la répression de la migration, la mise en place des opérations de rafles, à l’instar de « Médusa » en Belgique, et d’organismes de traques des personnes migrantes comme Frontex. Aujourd’hui, l’Union Européenne accentue ces politiques en envoyant de l’argent, du matériel et des agents aux frontières grecques pour empêcher l’arrivée des réfugiés de guerre tout en se dépêchant de trouver des accords du maintien de l’externalisation avec la Turquie;

A la vue des mobilisations féministes lors de la journée du 8 mars, où les femmes réfugiées de guerre manifestaient elles-aussi à la frontière greco-turque en brandissant des pancartes où on pouvait lire « Aidez-nous » ou encore « Ne nous tuez pas, nous sommes des êtres humains », où on voit la police grecque tirer sur les réfugiés de guerre syriens, les déshabiller de force, où les bandes fascistes grecques s’organisent en vue d’attaques à leur encontre, où des « ligues citoyennes » ratissent les environs afin de dénoncer les réfugiés de guerre à la police;

A la vue du départ de nombreux partis des extrêmes-droites européennes vers la Grèce, dont Dries van Langenhove (Vlaams Belang, Schield & Vrienden), mais aussi de groupuscules et milices fascistes afin de s’attaquer aux ONG et aux réfugiés de guerre, nous tenons à rappeler la situation du fascisme en Grèce. Les mesures prises par le gouvernement actuel en Grèce sont analogues aux mesures prises lors de la guerre civile et de la dictature des colonels.

Aube Dorée, le parti néonazi et troisième force électorale du pays, accueille ces différents groupes et milices d’extrême-droite européenne alors que se joue au même moment la fin de leur procès en tant qu’organisation criminelle. Mentionnons aussi la partialité du procureur, Adamantia Oikonomou, qui vient de demander la libération de tous les cadres d’Aube Dorée inculpés malgré les preuves évidentes de l’orchestration politique du meurtre de Pavloss Fyssas. Il s’agit ici de faire griller quelques fusibles, des militants d’Aube Dorée, et non les commanditaires, les cadres du parti. Or, en cas de relaxe, les comptes d’Aube Dorée ainsi que le montant, et son cumul, de la dotation publique seront débloqués pour un total estimé à 8 millions d’euro. De plus, un blanchissement juridique aurait des conséquences catastrophiques sur l’éventualité d’une prise de pouvoir par ces nazis,

Nous estimons, malgré le coté insuffisant et partiel de cette remise en contexte, qu’il est maintenant possible de tenter une réponse à un « Que faire ? » à partir de notre situation en Belgique.

Que faire ?

Cet appel ne cherche pas à retracer l’ensemble des trajectoires des événements débouchant à la situation actuelle. Et si on espère qu’un jour toute la lumière sera portée sur ces grandes hontes de notre siècle se plaçant dans la continuité du négationnisme d’hier, mais aussi d’un négationnisme contemporain comme le refus de rendre compte du massacre des syrien.ne.s et les morts aux frontières de l’Europe en témoignent, il s’agit pour nous de lancer une première amorce à la saisie de ces luttes pour la vie, pour la dignité et contre les guerres. Nous prenons acte également de la séquence historique en prenant au sérieux l’hypothèse d’une répétition de l’histoire, du moins dans ses conditions.

Dans ce « Que faire », un premier pas serait déjà de forcer les pouvoirs européens à respecter le droit international sur les réfugiés de guerre comme l’enjoint « Action pour la Syrie » ou encore récemment l’ASF. Il s’agit également de soutenir les actions de droit lancées par les collectifs de migrants en ne cessant de rappeler que le droit d’asile moderne est né suite aux horreurs de la seconde guerre mondiale. Pour faire pression en ce sens, un premier rendez-vous est donné ce 15 mars à Bruxelles à la place de la Monnaie à 16h (lien Facebook).

Il s’agit également de préparer une mobilisation large devant le conseil européen à l’occasion de la venue des ministres des affaires étrangères de l’Union Européenne ce 23 mars. Et de manière plus générale, d’être présents à chaque fois qu’un Poutine, un Trump, un Erdogan, un Michel, et consorts, continuent le désastre meurtrier en cours.

Comme dans tous camps pour les personnes déplacées et réfugiées de guerre, il se développe une économie de la misère où des vendeurs ambulants écoulent à des prix décuplés des bouteilles d’eau, de la nourriture ou du matériel pour fabriquer des abris. Une manière d’y réagir serait de relancer des convois solidaires (lien facebook) jusqu’à la frontière gréco-turque. De telles initiatives s’étant déjà déroulées, entre autres au départ de Liège pour le quartier Exarcheia, il s’agit de dynamiser cette piste en organisant de nouveaux convois mais aussi en récoltant des vivres impérissables, de l’eau, des tentes et couvertures, des médicaments, des biens d’hygiènes, en particulier pour les femmes et les enfants, etc.

En maintenant et accentuant les campagnes, locales, nationales ou européennes, de solidarité avec les personnes migrantes que ce soit dans les luttes contre les centres fermés, les campagnes pour rendre hospitalière nos communes, l’hébergement solidaire, en continuant les actions de solidarité en faisant pression sur les pouvoirs pour cesser les rafles policières, pour l’ouvrir d’espaces d’accueil et de transit, ainsi qu’en s’opposant à la répression et aux expulsions des occupations précaires des personnes migrantes.

De manière générale, il nous faut arriver à créer les espaces et moments nécessaires afin de nous organiser mais aussi afin de travailler à la mobilisation des autres espaces et secteurs de la société.

Derrière cette pétition de principe (dire dans le « que faire » qu’il faut agir) se cache néanmoins l’espérance d’une véritable campagne et action. C’est pourquoi nous pensons qu’il va nous falloir agir à partir de notre échelle tout en créant les réseaux permettant de se concerter afin de frapper ensemble pour que les effets fassent chaîne de conséquence. Pour cela, il faut arriver à mobiliser les universités, les associations et ONG, les syndicats et mutuelles mais aussi la population afin, à minima, de parer à l’urgence humanitaire : en imposant un véritable et non conditionné cessez-le-feu entre l’ensemble des acteurs sur place1 et, surtout, en ouvrant les frontières européennes tout en installant des couloirs humanitaires2 comme ils sont normalement garantis par les nations unies.

A toute fin utile, nous citons cet ouvrage qui retrace les vues de certaines personnes syriennes et leurs paroles dans la révolution syrienne et la contre-révolution du régime d’Assad et ses alliés par le biais d’une guerre civile et externe.

1 Nous citons ici cet article à votre lecture critique le pourquoi l’exigence d’un cesser le feu « véritable et non conditionné aux différents acteurs » nous semble être nécessaire. L’envoi de nombreux observateurs sur place semble également une piste à suivre face aux différents intérêts de pouvoir qui se joue.

2 En Syrie, Turquie et Grèce.