Le « Parti National Européen » (PNE) et le « Cartel citoyen » : Késako ?

Contexte

Les dernières élections de mai 2019 ont fait mal aux différentes formations d’extrême-droite. En effet, malgré la présence de sept listes déposées dans la partie francophone du pays (1), leurs résultats cumulés n’atteignaient même pas le résultat du seul Parti Populaire (PP) des élections de 2014. Un tel échec généralisé des extrêmes-droites, s’il s’explique particulièrement par la radicalisation à droite du MR et du CDH mais aussi par la recrudescence des activités antifascistes à leur encontre, a surtout entraîné de nombreuses conséquences : autodissolution du PP suite à ses nombreux échecs électoraux et à ses multiples procès, autodissolution des listes Desthexes du fait des résultats médiocres et des mauvaises gestions financières, schisme au sein de Nation, …La disparition ou l’affaiblissement des partis réactionnaires les plus virulents et visibles sont une bonne nouvelle. Néanmoins, cela a également entraîné de nouvelles configurations au sein des extrêmes-droites.

La disparition ou l’affaiblissement des partis réactionnaires les plus virulents et visibles sont une bonne nouvelle. Néanmoins, cela a également entraîné de nouvelles configurations au sein des extrêmes-droites.

La disparition ou l’affaiblissement des partis réactionnaires les plus virulents et visibles sont une bonne nouvelle. Néanmoins, cela a également entraîné de nouvelles configurations au sein des extrêmes-droites : tout d’abord la création de nouveaux partis, à l’instar du PNE mais surtout une communication de la part des extrêmes-droites plutôt centrée sur une approche « unitaire ». Ce fut par exemple les appels de Moniquet (2) et d’Aldo Mungo (3) au lendemain de la déconfiture électorale afin de récupérer pour leur propre compte les membres des autres partis. Aujourd’hui, c’est le « Cartel citoyen », développé plus bas dans l’article, qui tente cette stratégie : rassembler les formations d’extrême-droite éparses afin de ressembler à un véritable parti afin de permettre la constitution de véritables listes (4) en vue de futures élections.

Si de tels initiatives sont rares au sein des extrêmes-droites (5), et se limitent généralement à la période pré-électorale, cette stratégie de polarisation autour d’un centre plus « fort » que les autres groupuscules afin de se donner plus de poids est une vieille stratégie déjà utilisée par Nation. Dès lors, il n’est pas étonnant que le PNE singe les pratiques acquises chez ce dernier. Prenons l’exemple de la dernière en date, la « Coordination Patriotique » pour les communales de 2018 qui ne dura même pas quelques mois avant de s’autodétruire dans une querelle d’ego et de chapelles. En effet, aucune initiative passée n’a réussi à se maintenir dans la durée : querelle des chefs, fonctionnement pyramidal particulièrement hiérarchisé, disparité entre les cadres et les militants, divergences idéologiques, méthodes incompatibles, bref toutes les caractéristiques habituelles des pratiques d’extrême-droite rendant toute initiative « unitaire » difficile, voire impossible. Néanmoins, cette stratégie, même à court terme, pourrait s’avérer payante pour le PNE qui essaie de se profiler ainsi comme un parti « ouvert » et plus « moderne » afin de rassembler les non-encartés et les déçus des autres formations politiques. Rappelons malgré tout que derrière ce « verni moderne » le PNE partage le même ADN idéologique du fascisme historique de Nation et que derrière « l’unité » se cache simplement l’éternelle stratégie de phagocytage des plus petites listes et groupuscules.

Derrière ce « verni moderne » le PNE partage le même ADN idéologique du fascisme historique de Nation et derrière « l’unité » se cache l’éternelle stratégie de phagocytage des plus petites listes et groupuscules

Décryptage des cadres du PNE

Une partie du travail concernant le PNE a été réalisé par RésistanceS.be, dont ces deux articles qui retracent bien d’où est issu la nouvelle formation ainsi que son rôle au sein du « cartel citoyen ». Nous le complétons ici.

Les cadres du parti sont visibles sur leur site ou, mieux, sur les canaux d’information antifascistes.

A sa tête en tant que président, nous avons Olivier Balfroid – actif sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme de « Frapchot » – ancien secrétaire général du mouvement Nation. Il est le principal initiateur de la fronde au sein de Nation au lendemain des élections. Balfroid fut l’un des membres de Nation les plus opposés à l’encontre du Parti Populaire lors des guerres communicationnelles entre les deux partis. Derrière ces querelles partisanes se cachent avant tout l’antisémitisme idéologique et raciste des membres de Nation, dont Balfroid n’est pas en reste (6). Balfroid est un ancien de la galaxie des extrêmes-droites, dans laquelle il partage des amitiés avec d’autres néonazis notoires prônant le suprématisme blanc à l’instar du Français Alexandre Gabriac (7), Christian Berteyran (8), que l’on retrouve aujourd’hui dans le giron du « cartel citoyen », ou encore la courroie de transmission entre l’extrême-droite belge et russe, Kris Roman (9).

Le secrétaire général est Christian Gilain, également un ancien de Nation. Il gère également l’association sois-disant humanitaire « Pour les nôtres » en compagnie de Christine Tyck (autre cadre du PNE) dans la continuité des soupes au cochon (10).

Le secrétaire politique est Jean-Claude Barbouse. Ce dernier est également une vieille figure de l’extrême droite. Ancien du Parti communautaire national-européen (PCN), un groupuscule de la région de Charleroi se revendiquant de l’héritage de « Jeune Europe » (11). Ensuite il fera ses armes au sein du FN belge dont il fut un des derniers dirigeants. Ancien élu en tant que conseiller communal à Charleroi, député régional wallon, imprimeur et co-fondateur du comité belge de soutien à Jean-Marie Le Pen. Bien que plus discret ces dernières années, on le retrouve dans les coulisses du parti « La Droite » d’Aldo-Michel Mungo fin 2015, tout en étant toujours dans ce qu’il restait du FN belge (il a d’ailleurs fait un discours pour les 30 ans du FN). En 2017, il rejoignait Nation où il prit un rôle de cadre. C’est d’ailleurs lui qui était en charge du local de Nation avant le schisme. Profitant que la location était à son nom, le local est maintenant utilisé par le PNE.

C’est d’ailleurs lui qui était en charge du local de Nation avant le schisme. Profitant que la location était à son nom, le local est maintenant utilisé par le PNE.

Eddy de Smedt, sous le titre ronflant de « Directeur stratégique et de campagne », est également un cadre du PNE. Ancien cadre de Nation pour Bruxelles, il fut surtout connu comme le responsable des militants de Nation mis en cause dans le cadre d’une ratonnade particulièrement violente à caractère raciste pour lequel plusieurs membres de Nation furent condamnés.

Citons encore dans les anciens membres de Nation devenus cadres du PNE : Astrid Demeunier, Pascal Cornet, un néonazi violent qui fut ’un des condamnés dans l’affaire de la ratonnade raciste en tant que responsable de la « sécurité », Nadine Crovatto, Lancelot Bischop, etc.

Un mix entre populisme et fascisme

Le PNE est particulier au sens où, reprenant l’exemple de bons nombres nouveaux partis européens ou ayant, à l’exemple du FN/RN, transformer leur communication externe, il joue sur une image plus moderne et plus policée, en particulier sur les réseaux sociaux où la propagande est mieux travaillée, tout en gardant les mêmes fondements idéologiques (racisme, autoritarisme, conservatisme, défense des intérêts bourgeois, etc) par le jeu des codes langagiers (par exemple, « patriote » ou encore « identitaire »), des thématiques (l’armée, l’ordre, l’anti-écologie drapée… d’écologie, l’anti-immigration et la xénophobie) ainsi que les amitiés de façade avec la nouvelle vague des leaders européens (Salvini, Orban, Wilders, etc.) C’est pourquoi dans le public de la page facebook du PNE, on retrouve à la fois les orphelins national-conservateurs des anciennes listes visibles mais aussi des profils classiques, à l’instar d’antisémites et d’islamophobes virulents, des afficionados de la violence ou encore des néonazis connus. D’ailleurs, la partie publique du facebook du PNE ne cache que peu ces orientations des membres. On peut y lire un florilège d’appels aux meurtres et aux attentats (12) à l’encontre de personnes musulmanes ainsi qu’une légion d’incitations à la haine, le tout sous-couvert de défense de la liberté d’expression.

Pour prendre un exemple, prenons le cas éclairant de Christian Berteyran. Il se trouve être actif au sein du groupe xénophobe « Mouscron en colère » (rappelez-vous de la manipulation « Spy en colère ») qui est un des groupes participant au « cartel citoyen ». Si les amitiés de Frapchot avec ce dernier n’est pas neuve, il est intéressant de constater que le PNE ne cache pas ses liens organisationnels et amicaux avec des néonazis notoires. Là où Nation, lorsque de tels individus devenaient trop visibles, écrémaient alors ses membres afin de se rendre plus acceptable et lisible, le PNE semble assumer de tels proximités pour le moment. « Mouscron en colère » annonce une manifestation à l’encontre du centre Fédasil, profitant de l’effet NIMBY, ce 29 février et co-organisée par le PNE. Ces collectifs « citoyens » menés par des néonazis surfent sur la crise de l’accueil et des politiques nécropoles des États européens. Malgré les soutiens de l’extrême-droite aux politiques de Francken, la situation des centres d’accueil a été particulièrement ébréchée, si ce n’est durement sapée, par ces dernières. En effet, les nombreuses fermetures de centres ont entraîné des dérèglements entre les places que le centre Fédasil à Mouscron tente de compenser.

Bref, le PNE semble faire le grand écart entre, d’une part, des profils davantage liés à ce qui est communément appelé le « populisme » de droite et, d’autre part, des profils qui assument leur rattachement au fascisme historique (Hitler, Mussolini.) Position d’autant plus drôle que les cadres du PNE, hier à Nation, ne cachaient pas leur détestation à l’encontre des « populistes » du PP et des listes Desthexes.

Le « Cartel Citoyen »

Aujourd’hui le « Cartel citoyen » est composé du PNE, Identité et Démocratie, Droite Conservatrice, Collectif Identitaire Liégeois (une autre scission de Nation initiée par Laeticia Knevels) et Mouscron en colère.

Si tous les groupes ne sont pas représentés sur cette photo, elle permet néanmoins de mettre certains noms sur des visages mais également de retracer cette disparité des extrêmes-droites entre « populiste de droite » et « fascistes historiques ».

De gauche à droite : Jean-claude Goblet (passé par le Parti Populaire, ainsi que par le VLC (13)), il est aujourd’hui « consultant » – il est marrant de lire ce genre de titres ronflants issus du langage managérial de la part de l’extrême-droite, Nicolas Lejeune (ancien-président des jeunes PP), G. M. (Vice-Président du parti ID « Identitaire et Démocrate »), Luc Lowie (également de ID), Valérie Appeltants (ancienne aide parlementaire pour le Parti Populaire, elle fut présentée comme une “citoyenne apolitique” par les médias naïfs lors de la conférence empêchée de Francken à Verviers dont elle était la principale initiatrice. Aujourd’hui, accompagné du fan inconditionné de Viktor Orban, Adrien Jassogne et elle ont fondé « La Droite Conservatrice »), Olivier Balfroid (président du PNE, ex-secrétaire général de Nation) et enfin Laeticia Knevels (ex-responsable de Nation Liège, aujourd’hui responsable du « Collectif Identitaire Liégeois »).

Pour le moment, la communication de ce « cartel » se fait surtout à l’initiative du PNE (évidemment). Ce qui est d’autant plus cocasse que la communication externe ne cherche pour l’instant pas à rallier d’autres collectifs/partis dans cette grande « union » mais bien d’enrôler des individus dans l’un ou l’autre des groupes. Bref, de la construction d’un cartel à l’accaparement des forces vives par un seul parti, il y a un pas qui sera peut-être franchi ce 25 janvier.

Le PNE annonce un congrès de fondation ce 25 janvier à 14h. Ce congrès aura lieu à l’ancien local de Nation (qui annonce se réunir au même moment, ailleurs à Charleroi). La FGTB Charleroi-Sud-Hainaut et le Front antifasciste de Liège organisent un rassemblement à leur encontre.

La FGTB Charleroi-Sud-Hainaut et le Front antifasciste de Liège organisent un rassemblement à leur encontre.

Il ne s’agit plus maintenant qu’à travailler à ce que ce nouveau parti subisse de nombreux échecs jusqu’à sa future disparition.

NOTES

(1) : Parti Populaire, Listes Desthexes, La Droite, Nation, Agir, Les Belges d’Abord et le Vlaams Belang (pour les élections fédérales, le VB avait des listes du côté francophone).

(2) Claude Moniquet : ancien barbouze pour les services français et pseudo-journaliste, aujourd’hui à la tête des restes des « Listes Desthexe » sous le nom « Libéraux Démocrates ».

(3) Aldo Mungo : Chef de fil du parti « La Droite », scission du Parti Populaire.

(4) : En effet, les listes d’extrêmes-droite, à quelques rares exceptions dans certains endroits, sont des listes fantoches où se déploient quelques rares candidats, souvent fantômes et parfois malgré eux, dans les différents niveaux de pouvoir éligibles.

(5) : Elles se contentent généralement de distribuer le qualificatif d’extrême-droite à leurs ennemis et rivaux afin, par cet acte, de se placer du côté des démocrates. La rencontre entre Desthexe et Modrikamen est particulièrement symptomatique de cette pratique courante parmi les extrêmes-droites.

(6) : Modrikamen, l’ancien président du Parti Populaire, est une personne active dans la communauté juive de Belgique.

(7) : Ancien dirigeant des Jeunesses Nationalistes et cadre des jeunes du RN (ex-FN français) dont il s’est fait virer suite à de nombreuses images pro-nazi, il est aujourd’hui cadre au parti/mouvement national-catholique « Civitas » de Escada.

(8) : Ancien membre actif du groupe/milice « National-socialiste » connu pour sa violence et son apologie de l’idéologie nazie et de la lutte armée.

(9) : Issu de Vlaams Blok, puis il se retrouve au FN de Feret, ce fut un proche de la milice nazie Assault fondée par Hervé Van Laethem (le président de Nation). Aujourd’hui il s’est reconverti dans l’accueil des négationnistes européens fuyant les condamnations judiciaires de leur pays.

(10) : Les associations d’extrême-droite (généralement des associations de fait, et non des asbl) organisent de temps à autres comme des « soupes aux cochons ». Il s’agit de faire de la distribution de repas, tout en profitant pour faire de la démagogie réactionnaire, à base de porc et en seule direction des pauvres « de souche ». Bien que rares et petites, de telles initiatives caritatives sont mises en avant de manière disproportionnée pour marquer le côté prétendument « social » de ces groupuscules d’extrême-droite.

(11) : Mouvement politique particulièrement virulent et agressif, Jeune Europe était le cheval de Troie en Belgique du FN Français.

(12) : En pleine période où les attentats d’extrême-droite contre les personnes musulmanes et leurs lieux de cultes se multiplient, comme récemment à Brest ou Bayonne, ainsi que la multiplication en Belgique d’agressions à caractère islamophobe, de tels propos poussent à commettre de nouveaux actes bien réels.

(13) : « Valeurs Libérales Citoyennes » est un scission du PP, de l’avocat hutois Chansay-Wilmotte grand défenseur des militants et causes d’extrême-droite.