La carte blanche du centre Jean Gol n’est qu’une tentative malhonnête de révision du cadre politique qui entoure le cordon sanitaire, sous couvert de défense des « principes démocratiques », qui a tout lieu d’un révisionnisme, d’une hypocrisie et d’une manipulation antigauche par le MR dont l’extrême droitisation devient de plus en plus manifeste.
Sous couvert de lutte contre l’extrémisme et contre le populisme, ce qui est vraiment cynique comme posture lorsqu’on a Georges Louis Bouchez comme président, cette carte blanche n’est rien d’autre qu’une attaque en règle contre le cordon sanitaire. Or, ce n’est pas la première attaque de la droite contre ce principe, nous l’avons encore rappelé en avril dernier.
1. Le cordon sanitaire : un rempart contre la banalisation de l’extrême droite
Le cordon sanitaire, instauré en Belgique dans les années 1990, est une règle politique et médiatique visant à exclure l’extrême droite du jeu démocratique, pour empêcher la banalisation de ses idées dans l’espace public et au sein des institutions. Ce dispositif a été pensé à la suite de la montée du Vlaams Blok (devenu Vlaams Belang après sa condamnation pour racisme en 2004). Ce cordon n’est pas simplement un refus formel de collaboration politique : c’est un principe de protection contre la normalisation du racisme, du nationalisme ethnique et de la haine. S’attaquer à celui-ci revient à légitimer ces idéologies, mais aussi à renforcer un pôle populiste-autoritaire en pleine recomposition dont les droites libérales et conservatrices sont devenues le principal relais de transmission.
2. L’hypocrisie manifeste du MR :
Sous la présidence de Georges-Louis Bouchez, le Mouvement Réformateur (MR) a clairement amorcé un glissement vers la droite, adoptant des positions de plus en plus proches de celles de l’extrême droite sur des questions aussi bien économiques que culturelles. Ce repositionnement traduit que le Mouvement Réformateur est la force politique qui a été la plus aimantée par l’extrême droitisation (phénomène mondial et transpartisan) mais aussi la principale courroie de transmission de cette extrême droitisation en Belgique francophone.
Sur le plan économique, le parti a durci son discours en prônant une réduction des services publics, en attaquant les syndicats et en dénonçant ce qu’il qualifie d’“assistancialisme”. Ce déplacement s’accompagne d’une rhétorique populiste, inspirée des figures d’extrême droite comme Donald Trump. En outre, Bouchez instrumentalise régulièrement les réseaux sociaux pour attaquer des cibles classiques de l’extrême droite, telles que les activistes écologiques ou les mouvements progressistes, qu’il assimile à une menace « wokiste ». Un exemple récent est l’incident autour David Clarinval, qui a recommandé un ouvrage transphobe d’autrices proches de l’extrême droite et qui a été accompagné d’une campagne de communication tous azimuts orchestrés par Bouchez sur le terme de « wokisme = totalitarisme » et « il n’y a plus de liberté d’expression », bref les avanies habituelles de l’extrême droite.
Ce virage à droite s’illustre aussi par des prises de position de plus en plus marquées sur des questions sociétales. En reprenant les vieilles marottes de l’extrême droite sur les questions carcérales ou sur les politiques migratoires, le MR n’a fait que singer leurs thèmes et postures. L’essor des listes Desthexes et du Parti Populaire entre 2012 et 2018 ainsi que le succès des extrêmes droites dans le monde ont décidé le parti dans une nouvelle stratégie électorale, cherchant à séduire un électorat attiré par des solutions simplistes et sécuritaires qui l’avait quitté au profit de l’extrême droite. D’où la sortie raciste d’un Jeholet (MR) à l’encontre du parlementaire Nabil Boukili (PTB) ou des multiples petites provocations (comme le soutien de Georges-Louis Bouchez à Éric Zemmour, parmi tant d’autres), le plus souvent sur les réseaux sociaux et par des cadres locaux du MR.
En parallèle de cette extrême droitisation, rappelons que c’est le MR, en particulier Georges Louis Bouchez, qui a été le principal acteur de l’affaiblissement du cordon sanitaire politique et médiatique. Si les attaques à son encontre sous prétexte de débats d’opinion sont devenus coutumiers dans la presse, deux exemples récents nous montrent bien son hypocrisie :
- Le débat avec Tom Van Grieken du Vlaams Belang à la VRT : Georges-Louis Bouchez s’est empressé de participer à un débat avec Tom Van Grieken, leader du Vlaams Belang. À la suite de la volée de bois vert qu’il s’est ramassé du côté francophone, il a tenté de transformer ce revers en opportunité en tentant d’inclure le PTB dans le cordon sanitaire – ce qui a été refusé par l’ensemble des autres partis politiques.
- Participation au gouvernement européen avec Fratelli d’Italia : Le mouvement réformateur va gouverner au niveau de la commission européenne au sein d’une coalition des libéraux, des conservateurs… et de l’extrême droite. Il s’agit du commissaire à l’économie issu de Fratelli d’Italia, parti néofasciste dirigé par Meloni.
D’aucuns pourraient gloser sur le fait qu’aucun des deux exemples ne correspond à une rupture nette du cordon sanitaire (car la Flandre n’applique par le cordon sanitaire médiatique et que le cordon sanitaire politique est un cadre pour la politique en Belgique) mais les deux exemples montrent bien que les principes moraux du cordon sanitaire sont trahis. Ils illustrent une fois encore la dynamique d’extrême droitisation du MR, trahissant ainsi une évolution idéologique vers un néolibéralisme autoritaire.
3. Instrumentalisation et stratégie de la diversion :
L’idée avancée par Geerts et De Salle1, selon laquelle le PTB serait une menace pour la démocratie et devrait être inclus dans le cordon sanitaire, est une pure manipulation qui va à l’encontre du consensus politique et scientifique. Ainsi, l’assimilation du PTB à l’extrême droite est fallacieuse. Le PTB ne prône ni la haine, ni l’exclusion raciale, ni la destruction des droits fondamentaux. La gauche radicale, comme le PTB, défend une transformation sociale dans le cadre de la démocratie, mettant en avant des propositions visant à plus de justice sociale, une lutte contre les inégalités et une meilleure redistribution des richesses. Comparer la gauche radicale à l’extrême droite relève d’une dangereuse confusion volontaire.
Enfin, cette attaque contre le PTB intervient à un moment stratégique où l’extrême droite remporte des victoires inquiétantes, comme l’obtention du mayorat à Ninove par le Vlaams Belang. Le fait que le cordon sanitaire ait effectivement sauté à Ranst, sans que cela provoque la moindre réaction de la part du centre Jean Gol ou du MR, montre que l’objectif véritable n’est pas le cordon sanitaire. Il s’agit avant tout de tentatives de diversion antigauche, de réaffirmation de l’arrogance de la droite se donnant le droit de choisir les majorités légitimes ou non et de renforcement de l’hégémonie culturelle à droite. Cette diversion et instrumentalisation du cordon sanitaire ne sert dans les faits qu’un seul objectif : détruire le cordon sanitaire à court ou moyen terme en le subvertissant. Ce qui, demain, ne fera que renforcer les forces d’extrême droite qui profiteront de telles brèches pour s’étendre. Il est donc impératif de refuser ces tentatives de manipulation et de rester vigilant face à la montée des extrêmes droites, et de ceux qui, directement ou non, participent à les soutenir.
À la différence d’hier, comme nous le montre l’Europe mais plus largement dans le monde, les extrêmes droites se contentent plus d’opérer à la marge, mais cherchent aujourd’hui activement le pouvoir politique – quand elles ne l’ont pas déjà -, s’organisent entre elles afin de se renforcer pour se trouver dans une position de force et d’alliance comme récemment à l’Europe où le pôle du pouvoir, sur les questions migratoires par exemple, est en train de se déplacer vers l’Italie de Méloni et la Pologne de Tusk.
4. Ne pas transiger sur le cordon sanitaire :
Face à cette normalisation rampante des idées d’extrême droite, il est essentiel de rappeler l’importance d’un cordon sanitaire strict. Les médias et les partis politiques ont une responsabilité énorme dans la protection de l’espace public contre les idées antidémocratiques. Il ne s’agit pas simplement de s’opposer à des partis, mais de défendre un modèle de société basé sur l’inclusion, l’égalité et le respect des droits humains et des minorités. Le MR, en trahissant ces principes, montre que son positionnement est avant tout dicté par des calculs électoraux, plutôt que par un réel engagement pour la démocratie et les libertés fondamentales. Rompre ce cordon, comme l’a fait le MR à plusieurs reprises, participe, comme nous l’avons démontré, à normaliser les thèmes, postures et positions de l’extrême droite.
Tant sur le plan démocratique que sur le plan du cordon sanitaire, la menace vient des droites. Et les forces de gauche feraient bien de s’en souvenir.
- Si nous ne parlons pas de la Team Fouad Adihar, ce n’est pas par soutien aux thèses développées par Geerts et De Salle. C’est simplement parce que nous ne connaissons pas ce parti politique. ↩︎